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Octobre 2014
Le mouvement des indignés…
Auteur : Robert Curtat

Le mouvement des indignés… suite mais pas encore fin

La réaction aurait bien aimé envoyer la dernière pelletée de terre sur le cercueil de ce qui fut une grande et belle idée. C’était anticiper un peu de la mort d’un mouvement qui continue à gêner les vautours de la politique. Malgré la violence de la répression, le 15 mai 2011 aura été un peu plus qu’un avertissement pour le corps politique: l’annonce de combats sans cesse recommencés. Comme l’a bien dit Guillaume d’Orange: « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».

«Indignez-vous», recommandait Stéphane Hessel, un philosophe français proche du peuple dans un petit livre qui connut tout de suite un succès mondial. «Nous sommes indignés» lui répondit la jeunesse espagnole largement diplômée, connaissant l’anglais, maîtrisant parfaitement l’informatique et… promise à un chômage de masse. En témoin de leur exaspération, ces jeunes ont appelé à manifester pacifiquement le 15 mai 2011 dans 58 villes espagnoles. Une foule énorme, débordante, bon enfant et généreuse allait envahir rues et places ce jour-là. Des centaines de milliers de manifestants pacifiques qui disaient en un mot comme en cent:
Nous voulons un vrai changement politique (…) Les partis ne nous représentent pas et ne prennent aucune mesure en notre faveur (…) Ils se couchent devant la dictature des marchés sans en mesurer les conséquences sociales ou environnementales (…) Le bipartisme politique qu’on retrouve partout est un théâtre d’ombres (…) et la lèpre de la corruption se nourrit toujours de la finance publique. Donc de nos impôts!

Un mouvement d’exaspération

Ce déni violent de la politique n’est pas une spécialité espagnole. Certes, sa plus forte image médiatique fut captée en mai 2011 et 2012 à la symbolique place de la Puerta del sol de Madrid. Mais c’était bien la même protestation qui avait conduit l’Islande à refuser le sauvetage de voraces banques anglaises et les jeunes Grecs à lancer un appel à la grève générale précisément ce 15 mai 2011.

Bolivie: à hurler

Comment un pays du cœur de l’Amérique latine qui compte aujourd’hui plus de dix millions d’habitants dont 96% sont alphabétisés? Comment une nation conduite par une équipe politique cohérente qui a entrepris des réformes massives, entre autres la renationalisation du pétrole? Comment un peuple peut-il accepter une aussi spectaculaire marche arrière: la légalisation du travail des enfants à partir de douze ans auprès d’un employeur et, à partir de dix ans s’ils travaillent pour leur propre compte! Pour «encadrer» cette évolution, apparemment inscrite dans les faits depuis des années, une administration de «Défense de l’enfance» est chargée de régulariser leurs conditions de travail. Aucun des 200 000 enfants qui travaillent à La Paz n’a poussé sa porte! Dommage car la situation dans la capitale ne prévaut pas sur celle qui est imposée dans la Bolivie profonde. À l’exemple de ces 145 gosses qu’on a trouvés trimant dans la plus meurtrière mine de ce qui fut longtemps le nouveau monde. À hurler…

Un document de référence1 détaille la progression de ce mouvement d’exaspération face à la machinerie politique dans un grand nombre de pays européens: au Portugal, en France, en Allemagne, en Italie et en Angleterre. En Belgique, dans l’été 2011, le mouvement des indignés se développe dans plusieurs grandes villes. Avant la fin de l’été, l’opinion américaine prend le relais en occupant symboliquement une place de Wall Street et en manifestant dans 146 villes.

Trois ans plus tard, un article documenté2 prend la mesure de ce qui reste en Espagne de ce formidable rejet de la «politique magouille». Si le temps des campements est terminé, ceux qui restent dans le mouvement organisent des réseaux de soutien aux citoyens. L’exemple fort est fourni par une plateforme anti-expulsions qui a multiplié les occupations d’immeubles appartenant à des banques renflouées par l’État qui se conduisent comme si elles restaient propriétaires. Dans ce registre on ne peut pas dire que le contribuable suisse ait reçu de l’UBS la contrepartie de son engagement: 69 milliards!

En recourant à la manifestation de masse avec sa couverture médiatique, les «compagnons» font plier le pouvoir. Autre champ d’action, la justice où un collectif d’avocats met à jour les trafics en tous genres fleurissant sur le terreau du pouvoir économique et politique — c’est la même mangeoire! Un président de la caisse d’épargne de Madrid est dans la ligne de mire de cette équipe de juristes généreux.

Un appel à la démocratie directe

En clair le mouvement garde la ligne dictée par la récurrente indignation citoyenne mais il adapte les moyens à quelques combats ciblés. D’autant que le camp d’en face tente obstinément de faire taire toute voix critique en frappant avec une violence sans pareille les manifestations hostiles.

Cette misérable loi liberticide, dernier recours de la droite au pouvoir, n’empêche pas Marcos Roitman, professeur de sociologie à l’université de Madrid de déclarer:

Le mouvement du 15 mai a uni les luttes engagées par des centaines de milliers de manifestants (…) Il a ravivé une prise de conscience citoyenne, un esprit critique.

Un appel à la démocratie directe qui demeure. Malgré tout.
 



1. Wikipédia – Mouvement des indignés
2. Basta magazine – Où en est le mouvement des indignés espagnols? – Nathalie Pedestares

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