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Avril 2014
Crise agricole ou crise du système économique ?
Auteur : Pierre Lehmann

Crise agricole, qu'est-ce que cela veut dire? Serait-ce que le sol ne produit plus suffisamment, empoisonné par l'agrochimie? Qu'il n'y plus assez de pétrole pour faire tourner les machines? Qu'il devient impossible de lutter contre les parasites devenus résistants aux poisons de toute sorte dont on les abreuve?

A première vue, ce n'est rien de tout cela. La crise, c'est plutôt que le revenu des agriculteurs et paysans est insuffisant pour leur permettre de vivre décemment, si bien que beaucoup de personnes, en particulier des jeunes, se détournent de cette profession pourtant attrayante.

Et pendant ce temps l'industrie agrochimique (Syngenta, Novartis, etc.) se permet de modifier des plantes en s'attaquant au tissu même du vivant pour produire des organismes génétiquement modifiés (OGM) pour lesquels elle dépose des brevets. Pourtant, elle ne sait pas mieux que les paysans, ou même Monsieur Tout-le-monde, ce qu'est la vie. La vie échappe complètement à la science humaine et n'est donc pas amenable à une explication fondée sur le postulat d'objectivité. L'industrie agrochimique ne peut donc même pas prétendre qu'un OGM serait une «amélioration», et surtout, elle ne peut rien savoir des conséquences à plus long terme des perturbations qu'elle inflige au vivant.

Les devins de la santé publique le prédisaient, des agronomes l’annonçaient, le corps médical et la science le constatent aujourd’hui, la malbouffe, et les comportements sociaux qu’elle induit, est à l’origine directe des graves maladies qui sévissent en Occident. Elle frappe des millions de gens, avant de les envoyer à l’hôpital, puis au cimetière.
Hebdomadaire Marianne, 14 février 2014

La vie existe sur notre planète depuis des millions d'années. Les êtres vivants qui constituent la biosphère terrestre ont évolué ensemble pour produire la nature telle qu'elle existe aujourd'hui. Pour pouvoir prétendre qu'un OGM représente un avantage, il faudrait pouvoir anticiper son évolution sur des durées de millions d'années, ce que les rigolos qui s'adonnent aux modifications des patrimoines génétiques sont bien incapables de faire. En fait, les biotechnologies – qu’il vaudrait mieux appeler nécrotechnologies – ne sont rien d'autre qu'un moyen de forcer la nature à se soumettre aux lois du marché en mettant la main sur ce qu'elle produit gratuitement et, moyennant quelques modifications très discutables, de s'en déclarer propriétaire grâce à des brevets totalement injustifiés.

Un être vivant doit être considéré comme un tout. Un tout n'est pas constitué de parties. Toute intrusion dans le génome aura des répercussions sur le tout auquel il appartient. Et qui sommes-nous pour prétendre que ces répercussions sont désirables ou favorables? Favorables pour qui?

La véritable richesse d'une planète est dans ses paysages, dans le rôle que nous jouons dans cette source primordiale de civilisation: l'agriculture.
Frank Herbert

L'activité agricole permet de nourrir la population et doit donc être considérée comme fondamentale. Par ailleurs, elle exige des compétences qui font appel à toutes les facultés de l'être humain, en particulier l'observation et la perception d'éventuels problèmes dans les plantations. Le malheur c'est qu'aujourd'hui on tend à supplanter ces facultés par l'utilisation d'herbicides et de pesticides qui se retrouvent ensuite dans les cours d'eau et les lacs, mettant en danger la vie des poissons, des oiseaux, des animaux sauvages et finalement aussi des êtres humains. Le danger n'est pas nécessairement immédiat, ce qui le rend encore plus sournois. Il faut se mettre dans la tête que la nature ne nous a pas attendus pour développer des plantes en bonne santé à condition que l'on n'empêche pas les cycles naturels de se fermer correctement, ce qui implique de fertiliser le sol avec ce que nous considérons comme déchets organiques: essentiellement le fumier, mais aussi le compost obtenu par décomposition aérobie de restes de repas, de feuilles mortes et autres matières recyclables.

L'agriculture ne sert plus à nourrir les populations, mais à produire des devises.
Robert Linhart

Cela m'amène assez naturellement à dénoncer une fois de plus l'aberration que représentent les égouts et les WC. De faire caca dans l'eau potable est un non-sens même s'il est vrai que cela facilite grandement la vie des gens, surtout de ceux qui vivent en appartement. Mais la toilette à compostage, qui n'utilise pas d'eau du tout peut très bien être utilisée, même en ville. J'ai un fils qui travaille à l'Université d'Orsay et qui habite dans un appartement au 4e étage d'une assez haute tour aux Ulis. Il a remplacé le WC par une toilette à compostage très bien conçue – beaucoup mieux que la mienne. Il permet une extraction très simple du compost qui s'accumule dans un bidon qu'il va vider de temps en temps dans une forêt proche. Mais on pourrait très bien imaginer que ces composts soient récoltés par un véhicule adéquat et valorisés dans l'agriculture. L'expérience que j'ai avec ma toilette à compostage montre qu'il s'agit d'un excellent engrais. D'autant plus que, contrairement aux boues des stations d'épuration, il n'est pas contaminé par les produits chimiques qui circulent dans les égouts. Il est très important de réaliser que l'utilisation de pesticides et d'herbicides doit être abandonnée le plus vite possible. Ces produits non seulement empoisonnent le sol, mais encore mettent en danger la santé des paysans et ouvriers agricoles. Et à plus long terme aussi la nôtre.

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