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Avril 2013
Encore une question, M. Patrick Aebischer…
Auteur : François Iselin
Qui le veut peut observer la stupidité avec laquelle pensent, jugent et agissent aujourd'hui en politique, en art, en religion et dans les problèmes généraux de la vie et du monde les « hommes de science ».
José Ortega y Gasset: La révolte des masses (1930),
Les belles lettres, 2010 Paris

La grande presse, quand elle n'est pas censurée, permet aux populations de comprendre le monde dans lequel ils vivent. En Suisse, elle leur est essentielle pour apprendre ce que deviennent leurs impôts et leurs services publics. Les informations officielles que leur octroie l'Etat sont trop rares et confidentielles pour les renseigner.

Les quotidiens «indépendants» restent donc indispensables et la liberté de presse doit être jalousement défendue. Cependant, des dangers la menace: la privatisation aux fins de distiller les vues de leurs seuls propriétaires et l'abdication face aux pressions de leurs annonceurs, qui les incitent à ternir leurs pages de publicités aussi invasives que rebutantes.

Mais le mal ne se limite pas au battage commercial; de plus en plus d'articles et d'interviews véhiculent la publicité camouflée que s'offrent les «hommes de science» qu'évoque Gasset. Leurs interviews sont un moyen d'imposer leurs choix personnels, leurs promoteurs, voire leurs impostures. Prenons pour exemple des extraits de celles de M. Patrick Aebischer (PA), président de l'EPFL, en en citant des extraits:

Verbiage — En multipliant américanismes, sigles, marques, abréviations ou expressions incongrues telles que: Maximisation des outputs scientifiques, Promotion interne concurrentielle, les pigeons de ce jargon abandonnent la partie. Car rares sont les journalistes qui osent demander au Maître de leur expliciter les termes de génomique, transgénique, sciences de la vie (sic!), neurosciences, biomatériaux, thérapie génique et autres dadas dont PA se délecte. C'est pourquoi, faute d'avoir été dûment informé, le contribuable a été incapable de prévenir et juguler les péripéties de leur Haute-Ecole Lémanique depuis lorsque PA a pris la tête de l'EPFL dès 1999.

Provocation — Le coup de force qu'il opéra a été d'une telle brutalité que la population en fut déconcertée. Pourtant, elle n'ose plus se demander comment le changement d'orientation à 180° de l'École Polytechnique en École Polyclinique – comme on l’a dit – a pu se faire sans débats, ni consultations citoyennes. «Patrick Aebischer développe un point de vue essentiellement centré sur l’individu (et principalement sur ses dimensions biomédicales), en ne prenant pas en compte l’environnement socio-économique et culturel dans lequel il vit» (réf. Mythe-Alzheimer, web 23.4.10). À lire les propos de ce médecin, il semble vouloir limiter sa mission à la promotion commerciale de ses protégés, sponsors et autres pharmas et prétend vouloir guérir diabète, obésité, hémophilie, anémie, Parkinson, Alzheimer, épilepsie, psychoses… Sont-ce là les maux qui déciment actuellement l'humanité? Les recherches permettant de prévenir toutes les pathologies et pour tous ceux qui en souffrent ne priment-elles pas sur celles qui se limitent à en réparer quelques-unes au seul avantage d'une minorité de nantis?

Intimidations — Notre interviewé multiplie ses menaces contre les étudiants et les chercheurs qui n'en feraient pas assez pour son succès: il existe des instruments pour mesurer la productivité scientifique d'un chercheur (AGEFI, 28.2.2000), dit-il. Pourquoi le journaliste omet-il de lui demander comment il mesurerait leur probité, qualité socialement plus nécessaire que son ambiguë productivité? Je rencontre de plus en plus de jeunes qui ont envie de créer une société (Bilan, 1.2000). Mais «Quelle société, les siennes ou la nôtre?» n'osent leur demander les journalistes! À titre personnel, je serais ravi de voir des Ferrari sur le parking de l'EPFL (L'AGEFI, 28.2.2000). Que ne leur rappellent-ils pas qu'un bon tram dessert le site et que les Ferrari ne se prêtent guère au covoiturage!

AffairisteJe suis scientifique et entrepreneur, dit-il, qui veut allécher les grandes compagnies pharmaceutiques, le marché étant de l'ordre de trois milliards de dollars par an (Allez savoir n° 7, 1.97). Ainsi, nous avons notre mot à dire sur les choix stratégiques d'investissements en recherche (Coopération, 21.6.2000). La population n'aurait-elle pas davantage son mot à dire quant aux choix des recherches qu'elle juge prioritaires?

IndividualisteNous devons pouvoir nous profiler rapidement dans des domaines tels que les nanotechnologies et la génomique fonctionnelle […] Mais nous avons besoin de l'autonomie et de la souplesse nécessaire pour y parvenir (Ibid). «Autonome»? L'EPFL ne serait-elle plus un service public? Certes, déplore-t-il, mais il existe toujours un danger de mainmise du politique sur l'académique (Bilan, 1.2000)… et quid de la mainmise de l'académique sur le politique? À la question: et vous souhaitez toujours remplacer le nom de l'EPFL par Swisstech?, notre Fribourgeois s'empêtre: Oui, car personne ne peut prononcer EPFL à l'étranger… Mon rêve serait d'avoir deux labels, Swisstech Zurich et Swisstech Lausanne. Et pourquoi pas «Biotech» tant qu'on y est?

Après cela, on ne s'étonnera pas ni désarroi de la population ni de celui d'un patron quelque peu lucide: PA c'est le genre d'homme qui est toujours sûr d'avoir raison, même lorsque la réalité le contredit (André Kudelski à propos de PA, L'Hebdo, 16.3.2000). Espérons que demain, cette «réalité contredite» nous épargnera le prix exorbitant des errements du président.

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