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Février 2013
Israël, l’infernale «terre promise»
Auteur : David Lagarde
Extraits d'un article de David Lagarde (géographe et volontaire pour
Migreurop et pour Échanges et Partenariat
). Extraits choisis par Pierrette Iselin
L'article complet est sur le site: www.gisti.org/spip.php?article2975

Revue Plein droit, n° 95
décembre 2012

L'arrivée en Israël de réfugiés non juifs, originaires du Soudan ou de la Corne de l'Afrique ne peut qu'interroger dans un pays qui ne reconnaît pas le droit d'asile. Or depuis plusieurs années et, plus encore, depuis les «révolutions arabes», les entrées de migrants par le Sinaï ne font qu'augmenter, poussant le gouvernement israélien à prendre des mesures drastiques de fermeture des frontières. Au-delà de l'affichage, quelles en sont les conséquences sur le sort des réfugiés?

Si l'immigration a joué un rôle fondamental dans la construction d'Israël, l'immigration non juive est un phénomène récent qui n'a véritablement vu le jour qu'au début des années 1990. Au moment de l'effondrement de l'URSS, beaucoup de Juifs d'Europe de l'Est vinrent s'installer en Israël, accompagnés pour un nombre important d'entre eux de leurs conjoints non juifs. Mais ce n'est qu'après le bouclage des Territoires palestiniens occupés par le gouvernement israélien, en mars 1993, que le nombre de migrants non juifs va véritablement augmenter. À partir de cette date, les Palestiniens désireux de travailler en Israël doivent obtenir un permis de circulation et de travail délivré par les autorités de l'Etat hébreu. Entre 1989 et 1996, le nombre de permis délivrés aux Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza est divisé par dix alors que le nombre de permis délivrés aux travailleurs non palestiniens est multiplié par trente. Pour remplacer une main-d'œuvre essentielle à l'économie du pays, Israël va, pour la première fois de son histoire, faire appel à une immigration de travail. Les premiers travailleurs migrants arrivent à partir du milieu des années 1990 en provenance de l'est de l'Europe (Roumanie, Bulgarie, Turquie), d'Amérique latine (Colombie, Pérou) et d'Asie (Chine, Thaïlande, Philippines). Ils vont constituer jusqu'à 10% de la force de travail nationale au début des années 2000. Israël instaure alors un système similaire à celui de la kafala qui lie le travailleur étranger à son employeur, grâce auquel il a obtenu un visa de travail. A l'instar de ce que l'on peut observer au Liban ou en Jordanie, ce système a débouché sur une multiplication des abus de la part d'employeurs qui n'hésitent pas à confisquer les papiers d'identité de leurs employés, tout en les faisant travailler dans des conditions proches de l'esclavage. (…) Face à l'augmentation du nombre de travailleurs «clandestins», à partir de 2002, les autorités israéliennes ont décidé de suivre une politique d'expulsion sous la houlette du ministère de l'immigration et de l'intégration. (…)

L'appel d'un mythe

En 2004, Israël voit arriver par sa frontière sud des demandeurs d'asile venus d'Afrique subsaharienne. (…) Parallèlement, le renforcement et l'externalisation des dispositifs de contrôles aux frontières de l'Europe vont inciter d'autres demandeurs d'asile africains à prendre la direction d'Israël. Longtemps, les Erythréens – massivement poussés à l'exil par la dictature d'Issayas Afewerki et un service militaire à durée indéterminée – se sont exilés en Europe en passant par la Libye. A l'instar des Soudanais, Israël devient à leurs yeux une alternative de choix face à la forteresse européenne. Il en est de même pour quelques centaines de réfugiés ivoiriens, somaliens, éthiopiens et congolais (de République démocratique du Congo). Ainsi, à la fin de l'année 2008, Israël comptait sur son territoire environ 14'000 demandeurs d'asile, dont l'écrasante majorité était entrée de manière «clandestine» par la frontière israélo-égyptienne. (…)

Murs et camps

Une nouvelle «loi sur les infiltrations» est adoptée en janvier 2012 par la Knesset. Elle prévoit notamment l'agrandissement des camps de Ktziot et Saharonim, ainsi que la construction, si nécessaire, de deux autres camps dans le Néguev (Sadot et Nahal Raviv). Si l'ensemble du projet est mené à bien, Israël disposera d'un méga complexe d'enfermement situé à moins de dix kilomètres de la frontière égyptienne et pouvant accueillir jusqu'à 30'000 personnes. Cette même loi prévoit aussi l'enfermement pour une période de trois ans et sans jugement préalable de tout individu pénétrant en Israël de manière «irrégulière» depuis le Sinaï. Pour les ressortissants d'un Etat ennemi d'Israël, tel que les Soudanais, cette période d'enfermement peut même être illimitée. Les mêmes mesures seront également appliquées aux mineurs. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi en juin 2012, aucune personne entrée en Israël «illégalement» n'a été relâchée des camps du Néguev. (…) Il ne fait aucun doute que cette batterie de mesures et d'annonces vise à décourager les réfugiés venus d'Afrique d'élire Israël comme terre d'accueil. (…)

Vivant dans une situation de grande vulnérabilité avec un simple permis de séjour à faire renouveler tous les trois mois, sans espoir d'obtenir un jour un statut officiel de réfugié, les demandeurs d'asile sont littéralement pris au piège dans un Etat aux frontières ultra-surveillées, les empêchant de rebrousser chemin ou de continuer leur route vers l'Europe ou un pays autre de la région.

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