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Août 2011
Avant de s'attaquer au gaspillage...
Auteur : Georges Tafelmacher

Avant de s'attaquer au gaspillage, attaquons-nous à la logique qui rend ce gaspillage possible !

Avant de nous poser la question de savoir ce qu'il est possible de faire concrètement dans la vie de tous les jours pour éviter le gaspillage, nous aimerions savoir pourquoi nous sommes dans cette situation, comment nous en sommes arrivés là et quelles sont les prémisses de cette société qui a permis cela.


Un petit retour dans le temps est donc nécessaire. Dix ans après la Deuxième Guerre mondiale, en 1955, un spécialiste américain du marketing, Victor Lebow 1, exhortait le monde occidental dans les termes suivants:

« Notre économie, à la capacité de production énorme, demande que nous fassions de la consommation un mode de vie. Il faut que nous convertissions l'achat et l'utilisation des biens en rituels, que nous cherchions notre satisfaction spirituelle, la satisfaction de notre ego dans la consommation. Nous devons consommer les choses, les brûler, les utiliser, les remplacer et les jeter à un rythme toujours plus rapide ».


Nous avons exécuté ce programme avec une fidélité qui rendrait M. Lebow euphorique s'il était là pour contempler la société que nous avons construite! De plus en plus, il est devenu nécessaire pour survivre de suivre aveuglément la pensée unique de la consommation devenue névrose collective et, carrément, la base de toute notre activité économique. Notre société est basée sur la production et la vente d'autant d'objets que possible quelle que soit leur utilité, ces objets étant soumis à la règle de l'obsolescence programmée, c'est-à-dire l'usure prématurée des objets pour obliger les consommateurs que nous sommes devenus par la grâce de la magie publicitaire dirigée, de les changer constamment.

Le gaspillage est la fonction par laquelle s'opère le progrès, la croissance, le développement et si nous nous mettions à suivre les injonctions de cette nouvelle morale de la quête des économies d'énergie ou du développement de l'économie dite «verte» en passe de devenir l'industrie de demain, nous ne faisons que déplacer le problème car, fatalement, la logique du système fera qu'il y aura toujours plus d'objets industriels manufacturés. Et ce n'est pas parce qu'ils ont été fabriqués «écologiquement» que la terre sera moins polluée car, ironiquement, la fabrication «écologique» a des demandes d'eau gigantesques et utilise des matériaux qui poseront d'énormes problèmes dans vingt ans à l'instar des produits de la nanotechnologie. Nous pouvons même affirmer que si nous mettions en pratique les exhortations aux impératifs catégoriques telles qu'elles ressortent dans l'introduction à ce Forum où il n'y a pas moins d'une dizaine du type «il faut, nous devons, veiller, etc.», ce sera la ruine de l'économie actuelle et de notre monde tel que nous le connaissons!

Au lieu de nous assommer avec autant d'impératifs et d'injonctions, nous ferions mieux de nous révolter contre ce système qui n'a que la production comme Graal ultime, pour qui l'objet est investi d'une grande importance et de repenser notre société en des termes qui permettent la survie de la vie, le développement de l'individu et la renaissance des quartiers et des villes à taille humaine!

Le gaspillage étant le nerf de notre développement économique présent, pour éviter ce gaspillage, un changement des paradigmes de cette société serait nécessaire et cela va au-delà des quelques lampes à éteindre ou du chauffage à modérer. Il s'agit de repenser notre relation avec l'objet, de voir en quoi il est la compensation de notre «mal-être» psychique, de dépasser notre conditionnement de consommateur, de sortir de cette dépendance infantile à l'objet, de comprendre nos besoins et de voir comment nous pouvons les satisfaire sans avoir recours aux artifices de la consommation débridée ou de l'industrialisation galopante.

La seule chose possible que nous pouvons faire dans notre vie de tous les jours, c'est de recréer des relations holistiques avec nos contemporains faites d'empathie, de compréhension, de respect et de reconstruire notre présent de façon plus humaine où chacun serait auteur de sa vie et acteur significatif de sa communauté. Si, déjà à présent, nous nous efforçons de bâtir notre maison, planter nos choux, entretenir des rapports conviviaux avec nos voisins, alors les problèmes se résoudront d'eux-mêmes sans qu'il soit nécessaire de nous encombrer d'une bible entière de résolutions impossibles à tenir ourdies par ces ayatollahs de la nouvelle morale et les tenants de l'industrie verte!

Cette société a fait de nous des consommateurs; à nous de secouer cette éducation et de la substituer par notre intelligence sociale, notre génie humain, notre entregent et notre envie de survie!


 1 Victor Lebow – retailing analyst, tiré de son livre “The Journal of Retailing”, Spring 1955, p. 7, tel que cité dans Michael Jacobson's “Marketing Madness”, 1995, page.191.

 

Je ne supportais pas l'idée de ces forêts rasées pour nourrir
ce fantastique gaspillage de matière imprimée, dont une
part infime sera lue, dont une part encore plus
minuscule vaut la peine d'être lue.
François Cavanna



Ce qui me scandalise, ce n'est pas qu'ily ait
des riches et des pauvres, c'est le gaspillage.
Mère Teresa

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