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Avril 2010
L’Afrique: un continent menacé par la surpopulation ?
Auteur : Zachée Betché

Plusieurs pays africains célèbrent en cette année 2010 le cinquantenaire de leur indépendance. Cet événement historique est pour de nombreux historiens, politologues, économistes, sociologues ou philosophes, un moment pour évaluer le parcours que certains analystes ont déjà jugé très mitigé avant l'heure, notamment dans les pays francophones. Les deux dossiers qui dominent l'analyse sont la politique et l'économie. Le second domaine de réflexion, en raison de ce que l'idéologie consumériste a fait d'elle, apparaît crucial. Car ce qui compte dans l'hypermodernité actuelle, c'est le niveau de développement scientifico-technologique et ses retombées concrètes. On ne collabore pas avec la Chine parce qu'elle a un modèle politique enviable ou parce que sa démographie est conséquente. On apprend le mandarin parce que l'économie chinoise est devenue incontournable.

En réalité, lorsque la question du surpeuplement est posée, c'est aussi en regard à ce dossier économique. Existe-t-il assez de possibilités dans ce domaine pour permettre à cette jeunesse africaine «nombreuse», de vivre selon les critères et préjugés imposés par le cours du monde actuel? Aujourd'hui, par exemple, l'immigration de cette jeunesse africaine pose de réels problèmes qui font croire que le continent noir est au bord de l'explosion démographique. Que nenni: «Erreur au-delà, vérité en deçà des Pyrénées.»

Aussi révoltant que cela puisse paraître, c'est au gré du matérialisme historique, fondement (?) dominant de notre civilisation actuelle, que l'être humain en arrive à se demander s'il est de trop au pays des hommes. Il est difficile aujourd'hui de penser que dans la plupart de nos pratiques sociales, les rapports ne correspondent pas, comme le pensait Marx, à un certain développement de nos forces productives et matérielles. On a beau imaginer le contraire, la réalité historique nous rattrape. Toutefois, sans virer dans un pessimisme intégral, on peut y échapper via un travail de conscientisation.

A la vérité, quelques fois aussi, un certain écologisme de mauvais goût qui aboie contre ce qu'elle appelle le flux ininterrompu de la population, rejoint le matérialisme sous-jacent d'une manière totalement inconsciente. Il faut sauver l'Afrique de sa surpopulation pour lui permettre de mieux se nourrir.

Il faut aussi se rendre à l'évidence que le problème est souvent mal posé et on en arrive à de fâcheuses conclusions. En Afrique, et malgré l'immensité du désert du Sahara ou l'étendue du Sahel, les espaces habitables ou à rendre habitables ne manquent pas. Le surpeuplement de certaines agglomérations est lié à un déséquilibre que suscitent les attraits réels et virtuels des métropoles.

Habiter la ville est devenu un statut enviable en soi revêtant un faux mieux être et en définitive un piège pour un assez grand nombre. Les lendemains des indépendances ont développé le phénomène d'urbanisation et ont viré peu à peu à la «ruralisation» des cités en créant un dysfonctionnement évident. Pire que le monde rural, la ville concentre des insuffisances criardes à l'instar de la paupérisation, la ghettoïsation et les caractéristiques répugnantes de l'habitat, la criminalité, les pollutions liées aux différents gaz qui s'échappent ou les pollutions sonores, la débrouillardise érigée en modèle de survie, etc.

En dénonçant ce phénomène d'urbanisation désordonné, ce n'est pas tant pour affirmer que le monde rural est un Eden à reconquérir, que tout est beau dans cet univers de la paysannerie, qu'on est loin de tout dérapage inhérent à l'hypermodernité.

Aujourd'hui, autant en ville qu'en campagne, il importe d'inventer des modèles d'organisation qui soient significatifs: envisager par exemple des alternatives mettant l'accent sur la qualité des services un peu partout, sortir peu à peu du misérabilisme autant celui des villes que celui des campagnes en échappant au bien être virtuel. Dans de nombreux pays africains encore, la consommation des produits du terroir est un sujet mal maîtrisé. Les politiques hésitent encore et se montrent timides sur ce dossier. L'agriculture «officielle» imposée par le système colonial, ré-enchantée par l'ordre postcolonial, doit être sapée dans son fondement idéologique. La promotion des cultures locales au détriment des cultures d'exportation qui font la misère des hommes et des femmes aux mains nues limite terriblement les horizons et instaure une fragilisation encore plus aiguë de la condition rurale. De ce bricolage économique naît une démographie mal expliquée qui fait penser si abruptement au surpeuplement endémique imaginaire.

Faudra-t-il encore le préciser? Le problème de la surpopulation en Afrique c'est davantage celui du dérèglement de l'urbanité, d'une économie désincarnée qu'une fausse et incroyable statistique démographique continentale. Les paysans peuvent véritablement habiter leur monde et participer dignement à la promotion d'une vie de qualité dans leur propre espace de vie et dans l'ensemble du pays. Les citadins aussi pourraient développer un secteur de vie qui soit un vrai havre capable d'endiguer les excès.

L'accroissement de la population mondiale se ralentit en raison d'une baisse de la fécondité. Plus de la moitié de l'humanité vit dans une région du monde où le taux de fécondité est inférieur à 2,1 enfants par femme, taux nécessaire au remplacement des générations dans les pays développés. L'augmentation de la population concerne surtout les pays du Sud, notamment l'Afrique dont la population va doubler dans les prochaines décennies (selon Wikipedia).
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